J'ai peint les arbres du parc pour que les passants pressés voient quelque chose là où ils passent tous les jours et que d'ordinaire ils ne voient plus. J'ai peint ces arbres pour qu'on ne les oublie pas. Nous ne voudrions pas que personne ne nous regarde, qu'on nous oublie; nous ne voulons pas disparaitre tout de suite. Et eux, ce pourrait être nous. En nous aussi, le niveau monte et c'est peu de le dire, devant le mépris qui se répand et s'étale partout, devant l'absence des regards, devant ceux qui nous parlent mais ne nous voient pas, devant la pensée qui se vide des êtres. En nous ça monte aussi, de la colère, et ça se retire quand même, laissant place à un noir désespoir. Le rouge sur les troncs, lui, s'estompe peu à peu, la pluie y trace d'étranges dessins, qui à leur tour disparaissent. Le monde, le notre, celui qu'on croit immuable, on ne le voit pas, on ne le voit que lorsqu'il a disparu.
Fred Périé